Dernier check-up: nourriture pour 3 ou 4 jours, tente, vêtements chauds, carte topo, boussole, appareil photo, trousse de secours, boîte anti-ours, je crois bien que je suis prêt à passer quelques jours dans la forêt! Me voilà donc parti à l'assaut des hauteurs de Glacier Point, que j'atteindrai après 10km de montée harassante (il y a plus de 1200m d'altitude à gagner), avant de m'enfoncer dans la forêt en direction des Illilouette Falls. Pas un chat aux alentours, et je décide de planter la tente au bord de la rivière, dans un cadre enchanteur de pins gigantesques. Au chaud près de mon feu de camp, j'entends des ours passer à proximité et je me dis que j'ai bien fait de louer cette boîte anti-ours où on peut enfermer la nourriture et le dentifrice (!) afin de ne pas trop attirer les bestiaux. J'ai enterré la boîte à l'écart du camp sous une montagne d'écorces de séquoia, je devrais être tranquille cette nuit. Je regarde mon feu disparaître peu à peu pour laisser la place à un million d'étoiles qui jouent avec les branches des pins obscurs...
Au petit matin je replie le camp pas vraiment reposé car j'ai été réveillé plusieurs fois par des bruits d'ours aux alentours. Je me remets en route, mais la progression est rendue difficile par des éboulements, une avalanche et des centaines d'arbres tombés au sol; bientôt le sentier se dissout dans la forêt et me voilà plongé dans le doute. Armé de ma boussole, je mets le cap au nord est où je sais que je croiserai tôt où tard un sentier ou au pire la route d'accès à Glacier Point. Et là, les ennuis commencent vraiment: d'abord deux traversées de rivières qui normalement se font presque à pied sec, mais que la fonte des neiges a transformées en torrents rageurs. C'est donc en équilibre sur des troncs tombés à cheval sur la rivière, avec le sac à dos de pas loin de 20kg que je vais traverser. Puis c'est la neige jusqu'aux genoux qui rendra la marche épuisante, et qui réduit toute chance de retrouver un sentier à néant: allez trouver un sentier dans la forêt sous la neige quand il n'y a aucune trace! Elle sera même assez sournoise pour cacher une rivière de boue dans laquelle je vais m'enfoncer jusqu'à la taille croyant être sur un sol sain. Après 8h de bataille je finis par croiser la route, comme prévu mais épuisé et ne trouvant pas sous la neige le départ du sentier qui doit me ramener dans la vallée, je redescends finalement en stop. Une sacrée aventure, et une expérience unique, incroyablement enrichissante et grandissante: être part du grand Tout de la forêt, ne faire qu'un avec les éléments l'espace de quelques heures...
